
Parfum divin est un recueil de poèmes en prose dans lequel est révélée l’expression la plus intime du Moi de Chantale Ayi dans toute son opacité et sa foi. Une quête permanente et profonde de l’Etre suprême, Dieu, dans toutes ces choses qui font et défont le monde
« Au plaisir de l’amour et des bons sentiments/[…]/Sous le regard en coulisse des phantasmes gestuaires et voluptueux[…]/N’avoir du cœur que pour semer le Bien/[Et]Aimer ceux qui nous honnissent… » p.7
La poésie de Chanatale Ayi s’inspire du discours biblique. Un discours qu’elle retravaille selon sa pensée. Sa vision du monde. Ses désirs, ses plaisirs. Ses souhaits, ses espoirs. Sa trajectoire et son expérience dans la manipulation quotidienne (lecture-interprétation-méditation) des écrits anecdotiques et métaphoriques bibliques. « Dialogue intime avec Christ » aurait pu être le titre de la présente œuvre ; car, Christ, nom que l’ensemble des chrétiens donnent à Jésus de Nazareth, est le premier interlocuteur de l’auteure. On est en plein dans une inébranlable profession de foi-amour :
« Ah tu le sais, doux Christ mien,/Je t’aime et le souffle de ton amour me couvre/De tes grâces et de tes bons sentiments » p.17
Les irrégularités de la métrique des vers, certes morcelées et parcimonieuses, s’accordent subtilement au point de permettre un rapprochement de la somme des textes au yigdal[1]−forme de piyyout très connu dans la liturgie juive. En effet, le piyyout est un poème liturgique juif chanté ou récité pendant l’office. Parfum divin s’inscrit, dès lors, non seulement comme une apologie et une dévotion au sacro-saint, mais aussi une matière permettant d’animer les débats publics discutant des questions autour de la Transcendance.
Parfum divin participe−en ce XXIe siècle qui s’ouvre de manière virale sur un retour remarquable de l’animisme, l’engraissement des crises sanitaires et l’abolition totale des métarécits− à la simplification et à la vulgarisation du substrat non moins complexe du discours biblique. L’intention de l’auteure étant ainsi de révéler la puissance universelle du discours biblique. Et surtout de mettre en évidence la capacité de ce discours-là à atténuer les incertitudes et les inquiétudes du train-train quotidien de l’Homme. Ce, tout en donnant à l’Homme toutes les clés pour s’affranchir du cadre fataliste, serein et yigdal chanté :
« Te chanter, Te bénir,/Te prier,/Demain, aujourd’hui et à jamais… /O Fils de l’homme,/Donne une belle couleur à ma vie, Ces années vert-de-noir/Seront désormais sans menteries Comme jadis… » p.13
Chantale Ayi procède tout au long de son acte poétique à une poétisation de la méditation et de la prière dans lesquelles Dieu est présent −non plus comme concept−mais telle qu’une réalité vivante et actante. Le Dieu des Hommes, père révélé au Christ, devant qui Chantale Ayi – qui invite croyants et non-croyants- épanche son âme dans une modeste et sobre adoration, en abandon filial.
Quête infinie d’un chemin qui continue à jamais ?
La quête du Dieu, de son Dieu, est donc le point fondamental du processus créatif de Chantale Ayi. Cependant, elle sait que cette recherche du divin, en abandon filial, n’offre pas d’emblée des réponses à la mesure du désir d’absolu quêté par un lecteur athée ou non-bibliste qui, froidement et sans une quelconque influence axiologique, ne se contentera guère d’une solution essentiellement religieuse. C’est pour cela qu’elle entreprend une réinvention littéraire du discours biblique auquel elle accole des clichés repérables et identifiables dans les univers sociaux dans lesquels elle évolue. Il devient possible, chez Chantale Ayi, de voir et éventuellement de « flirter » avec le « Tout-puissant » Dieu :
« A te regarder,/[…]/Comme une rose éternelle,/J’implore ta gratitude éternelle,/Et ton sain amour !/Toi, à jamais, mon roi/Sous le joug de ton onction ! » p.41
Dieu pour Chantale Ayi devient donc un objet métaphysique identifiable et visible qui comble son vide intérieur comme elle aurait désiré qu’un être humain, s’engageant à l’aimer, le fasse. Autrement dit, Chantale Ayi invite son lecteur à un effacement de soi qui, selon elle, facilite ainsi l’intégration de soi dans la matière divine qui est accompagnée des malheurs et des joies parfois extatiques. Cette dimension à la fois extatique et mystique exige une rigueur et une discipline, tant interne qu’externe, qui débouche sur un effacement de tout; le monde et l’Etre. Et ce n’est alors qu’en entreprenant cet exercice mystique, dont la passerelle est un départ d’un rien à un tout extatique, qu’on peut parvenir à Dieu :

« Quand dans la tristesse battante,/Pleurant en silence,/Consommant entre quatre murs mes souffrances,/J’ai crié ton nom,/Tu es venu illico… » p.16
La quête permanente de Dieu et de son fils Christ menée par Chantale Ayi dans son fait littéraire a pour objectif ultime de restaurer la liaison originelle existant entre l’homme et Dieu bien avant qu’advienne le péché. C’est donc une transmutation du sentiment de culpabilité des Hommes en quête inlassable de l’Être absolu que je révèle Chantale Ayi. Son idée d’introduire une nouvelle approche de la recherche du spirituel et du divin est donc affichée sans brouillage stylistique ni référentiel.
In fine, la quête infinie du Dieu, de son Dieu, par Chantale Ayi dans Parfum divin, ne prétend pas de délivrer totalement le lecteur de ses doutes et de ses peurs existentiels. Elle prend la forme d’un parchemin qui contribue non seulement au déchiffrage des codes de l’existence et de l’ordre divin, mais aussi à l’élaboration des vérités considérées comme des réponses au vide intérieur imposé par « la mort de Dieu »(Nietzsche).
La quête de Dieu, chez Chantale Ayi, devient-elle donc, en fin de compte, une façon de ne pas pouvoir admettre le vide-néant en empruntant un ZEEN[2] (Towa) qui continue à jamais ? A méditer !
Baltazar Atangana Noah- Nkul Beti.
Fiche technique du livre
Auteure : Chantale Ayi ;
Titre : Parfum divin ;
Nombre de pages : 108 pages ;
ISBN : 979-1037704252.