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Comme c’est beau la France : Pour l’amour de Lola je ne me tairai pas

Philippe Moukoko est franco-congolais.  Auteur du Dictionnaire général du Congo-Brazzavaille, il revient dans l’actualité avec son premier roman Comme c’est beau la France , publié aux éditions l’Harmattan à Paris.

Comme c’est beau la France est l’histoire de Billy X, garçon perdu du Km4 à Pointe-Noire, qui pense pouvoir s’en sortir en France. Contre vents et marées, aidé par des mensonges et des escroqueries familiales, il va réussir à exproprier des orphelins et la veuve de son oncle. Cela, dans le but d'organiser son voyage au pays de ses rêves, car dans le quartier Km4 comme dans bien d’autres coins de Pointe-Noire, il est impossible pour quelqu’un de s’imaginer mourir, sans voir la France. Être Parisien est en quelque sorte vu comme un signe de réussite sociale qui place quelques uns au-dessus des autres.

Deux années plus tard, Billy X désormais parisien, revient au pays. Riche est dorénavant son qualificatif. Il distribue de l’argent à tout vent. 1 million par ci. Deux millions par là. Mais ce qui le guide n’est peut-être pas anodin. Il sait qu’avec l’argent, on peut acheter même les consciences les plus éclairées. Ainsi, soudoie-t-il la mère de Soukaly, son ex copine, ou disons la maman de son enfant, la petite Lola. Billy X veut emmener avec lui Lola en France. Elle est la fille d’un Français et pourquoi devrait-elle subir les misères du Km4 ? Pourquoi devrait-on la priver d’un avenir radieux puisque la France incarne le paradis ?

Après moult hésitations de la part de la famille de Soukaly, la garde de sa fille lui est accordée.

On n’entendra plus jamais parler de Lola. Désormais lorsque Billy X revient au pays, il se cache, il rase les murs, il loge dans des hôtels, alors qu’il a construit une maison à plusieurs niveaux pour ses parents au Km4.

Un jour, alors que Robert Mampassy, alias Makila Mabé et oncle de Lola, obtient une bourse pour aller étudier à Paris, l’espoir de retrouver la petite Lola renaît dans la famille. Sa mère lui confie alors la mission de retrouver Billy X et de récupérer la petite Lola.

Entre ses études de droit, sa découverte de la France et l’obsession de retrouver Lola, Makila Mabé ne sait pas où poser sa tête, jusqu’au jour où sous les coups des menaces de sa maman restée au pays, il décide d’abord de porter plainte, puis de se rendre à Château-rouge puisque Billy X prétendait y être propriétaire d’un Bar appelé Le Kinkéliba.

C’est alors que, de fil en aiguille, Makila Mabé découvre que parmi les immigrés, il y a ceux qui restent dignes et vivent, travaillent, bien au-delà du racisme et ceux qui décident d’être escroc tout court. C’est le cas de Billy X qu’il nomme désormais comme « son grand-frère du quartier ». L’origine de sa richesse étonne plus d’un. À Paris, il est connu comme un paresseux, faiblard, profiteur, a-communautaire et parasite. Pourtant, cela fait quelques années que personne n’a eu de ses nouvelles. Que serait-il donc devenu ?

À la fin du roman, après plusieurs tentatives, le narrateur réussit à retrouver Billy X, interné désormais dans un hôpital pour difficultés mentales. Il réussit à le voir. Il en a les larmes aux yeux. Cependant demeure toujours la question de savoir où se trouve la petite Lola. C’est en entrant en contact avec une ex de Billy X, que Makila Mabé apprend finalement que sa nièce a été vendue à un originaire des Pays-Bas.

Comme c’est beau la France, c’est aussi l’histoire de la fabrique des immigrants de fausse facture en France. C’est l’illusion de l’Étranger. Il y a la démythologisation de la France où l’on s’imagine, par exemple, que tout le monde est riche. On y retrouve un fait tout à fait courant : celui de plusieurs Africains qui idéalisent la France au départ et qui par après, finissent par la détester sans pourtant la quitter. Makila Mabé esquisse, également, en quelques lignes la dépendance qui lie trop souvent l'immigré à sa famille restée en Afrique; une relation qui n'est pas souvent à son avantage puisqu'il la vit comme une dette non pas comme une reconnaissance.

***

 Toutes les Françaises ne sont pas riches. Ici, j’en vois des mendiantes, des prostituées, des chômeuses, des villageoises, des citadines, des riches, des pauvres 

***

Tiré d’une histoire vraie, Comme c’est beau la France est écrit dans un style fluide qui fait une belle part à l’exotisme. Il décrit bien les lieux par où est passé le narrateur. Le Km4 y trouve une belle attention en ce qui concerne sa description et son légendaire sens de la communauté.

Je vous le recommande.

***

Extrait p 128-129

"-Grand-frère, Billy X disait que la France, c’est beau. C’est faux alors. La vie d’un étranger, c’est donc dur ?

-C’est plus que ça, man. C’est un chemin de croix !

-Et pourquoi ne retournes-tu pas au pays ?

-Et toi pourquoi tu me poses cette question ? Est-ce que la France t’appartient ?

-Bien sûr que non ! Je n’arrive pas à comprendre comment vous pouvez vivre dans un pays où vous vous sentez mal, où on vous met les bâtons dans les roues. Moi, je ne ferai pas comme vous. Dès que je finirai mes études, je retournerai à Pointe-Noire où un bon poste m’attend dans la fonction publique.

(…)

-Petit frère, tu me fais rire ! Ça se voit que tu viens d’arriver en France.

-Moi, je te fais rire ? Pourquoi tu dis ça, grand frère ?

-Parce que je connais quelqu’un qui parle comme toi quand il est victime d’injures racistes ou de discrimination au travail. (…)"

Nathasha Pemba

Références:

Philippe Moukoko, Comme c'est beau la France!, Paris, L'Harmattan, 2017.

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