Jean Bergeron propose dans cet essai de réfléchir aux portées éthiques, juridiques, politiques, religieuses et scientifiques de la génétique humaine. Il regroupe dans le livre des réflexions clairsemées à partir des modèles existants et des données singulières afin de présenter une vue générale diversifiée et individuelle sur la question.
(...) La vérité dépasse souvent la fiction, puisque la fiction a le devoir d'être crédible. La vérité n'a tout simplement pas cette préoccupation; elle est.
L’hypothèse anthropologique qui sous-tend son ambition théorique est que tout ce qui se fait autour de l’homme doit avoir une portée éthique, c’est-à-dire considérer l’humain, comme le disait déjà Kant, non comme un moyen, mais comme une fin en soi. On ne peut pas monnayer la dignité humaine. Dans son désir de créer ou de recréer l’humain, le scientifique se perd et embarque parfois la société à l’intérieur des zones d’ombre très difficiles à saisir. Cette philosophie de progrès à tout prix d’une part et du caractère intouchable assigné à la science d’autre part montre déjà les limites de la science.
Ainsi, il s’agit de prendre conscience sur la portée de la science dans notre société sans la déformer et sans détruire l’essentiel : l’humanité de l’homme… Cela ne peut se faire que dans le dialogue serré avec la morale, l’éthique, la religion, les sciences naturelles et sociales et le politique qui souvent pour des raisons électoralistes sacrifie le bien-être de l’humain au profit des votes. Jean Bergeron analyse au fil des chapitres successifs comment la science sacrifie l’humain.
L'influence de l'environnement dans lequel on naît n'est évidemment pas le seul facteur qui décide de ce que nous devenons. La différence entre ce qui est acquis et ce qui est inné tient parfois à presque rien
Sujet vaste et méthodologie très personnalisée, l’auteur en appelle à la solidarité humaine pour défendre la vie face à la science. Il estime tout d’abord que le point de vue de chaque être humain compte, mais aussi le point de vue religieux, politique ainsi que les émotions.
Les pistes explorées autour de vingt-trois thématiques permettent de saisir cette pensée qui peut paraître complexe à des endroits.
C’est un ouvrage que je recommande parce qu’il traite des questions actuelles, car aujourd'hui l’intelligence artificielle et même la question de la pandémie sont aussi de questions qui demandent une certaine éthique dans la gestion de l’humain. Dans ces formes et selon l'optique de Jean Bergeron, l’éthique ou la morale devient la condition des manipulations génétiques. Elle ne s’inscrit pas dans une donnée anthropologique ou sociologique de la nature humaine, mais dans une réflexion globale, horizontale et verticale, sur ce qui permet de réfléchir sur le traitement de l’humain. Cette réflexion sollicite peut-être, non pas seulement un accroissement, mais bien un questionnement et une mise en situation de la perspective méthodologique adoptée par Jean Bergeron : elle suppose d’être raisonnable (sans faire abstraction de l'émotion) en face des différentes implications sur ce qui gouverne le vivant. C’est, de ce fait, l’un des grands intérêts de l’ouvrage : il nous invite à questionner incessamment cette question de l’humain.
Nathasha Pemba,
Références
Jean Bergeron, Éthique et manipulations génétiques. L’aventure de la génétique humaine, Montréal, Éditions Somme toute, 2021.