/image%2F0165811%2F20210126%2Fob_fa9f78_20210126-104947.jpg)
UN DEVOIR DE MÉMOIRE BIEN ACCOMPLI
Dans son dernier livre, « Le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda expliqué à ses enfants », Édition Casa Hankili Africa, Jean-Marie Vianney Rurangwa se penche sur la genèse, la préparation et l’exécution de ce qu’il convient d’appeler le « crime des crimes » perpétré à la fin du XXe siècle au Rwanda.
Pour décrire l’indicible, l’auteur a choisi un style dialogique, facile à lire et guidé par le seul souci de transmettre. Namahire, principal personnage du livre joue le jeu de questions-réponses avec ses enfants.
Avec une précision chirurgicale, Monsieur Rurangwa réalise l’autopsie du génocide contre les Tutsi du Rwanda et dresse un compte rendu accablant, mais très instructif.
Le lecteur découvre d’abord les ressorts du repli identitaire qui a conduit à l’innommable.
« La mémoire du génocide est douloureuse et très lourde à porter… »
Pour aider les générations actuelles et à venir dans cette lourde responsabilité de porter la mémoire du génocide, l’auteur mobilise toutes ses ressources pédagogiques et nourrit généreusement notre culture générale.
Afin de mieux nommer les choses, il revient souvent sur l’étymologie précise des mots avec d’autant plus de facilité qu’il parle plusieurs langues. « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. Ne pas nommer les choses, c’est nier notre humanité », jugeait Albert Camus. Jean-Marie Vianney Rurangwa évite cet écueil, car son récit est d’une clarté exemplaire. Des concepts qui nous paraissaient flous se trouvent mieux définis et précisés.
La référence à la Shoah est constante, tellement les deux génocides sont proches dans les huit phases de préparation déjà décrites par Grégory H. Stanton et rappelées par l’auteur.
« Transformer les victimes dans leur comportement » est l’un des quatre procédés de la dernière étape du génocide, une technique qui pourrait s’apparenter à la mithridatisation. Si je reviens là-dessus, c’est pour attirer l’attention de ceux qui pourraient s’y retrouver un jour dans cette région si compliquée. Après cette phase, il est déjà trop tard !
Dans « Le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda expliqué à ses enfants », Monsieur Rurangwa démontre que le génocide est un long processus qui n’arrive pas au hasard. Il rappelle qu’on ne peut analyser ce qui s’est passé au Rwanda en 1994 en se détachant du contexte historique. Les apports négatifs de la colonisation et du christianisme sont abordés avec objectivité. L’auteur décortique l’origine de l’idéologie raciste anti Tutsi depuis la révolution sociale de 1959, l’impact des discours publics depuis l’indépendance du pays et le rôle joué par la tristement célèbre radiotélévision des mille collines (RTLM) dans l’exécution du génocide. Il n’oublie pas de souligner la vengeance des réfugiés Hutu burundais, à l’époque où l’identité ethnique passait plus que jamais avant l’identité nationale.
L’auteur nous rappelle qu’après l’extermination vient souvent le négationnisme. Une occasion pour lui de passer en revue les différents courants négationnistes de par le monde, et notamment de celui du génocide des Tutsi du Rwanda.
Pour maintenir le flambeau de la mémoire et pour que le « plus jamais ça » ne soit plus lettre morte, Jean-Marie Vianney Rurangwa termine son ouvrage par un message de tolérance basé sur l’Ubuntu, une valeur qui nous vient du passé et qui doit continuer à traverser toutes les générations.
On ne sort pas totalement indemne de ce livre. Il y a un avant et un après pour le lecteur, car il est désormais vacciné contre l’indifférence ! Je recommande cet ouvrage à tous les jeunes Africains, mémoires vivantes de demain dans un continent qui joue à cache-cache avec son Histoire.
/image%2F0165811%2F20210126%2Fob_144a4d_20210126-105149-1.jpg)
Paul samba
Médecin et écrivain