
Ricardo AKPO, d'origine béninoise, est étudiant en Géographie. Passionné des lettres, il a publié son premier livre, Brin d'hysope, chez Solara Editions en 2019.
Qu’est-ce qui a fait germer en vous pour la première fois l’idée d’écrire un livre ?
Il faut avouer que l’idée d’écrire un livre ne m’avait jamais traversé l’esprit. J’aimais lire pour mon propre plaisir, améliorer mon style et découvrir d’autres horizons par le biais des livres. L’idée d’enfermer mes pensées dans ce vase public qu’est le livre découle de la lecture régulière et de l’envie de faire comme ceux que je lisais. Cette envie a pour genèse le partage de mes sentiments avec mon entourage, ma vision du monde et des choses, ma perception de mon prochain qui est un autre moi-même. Je m’essaie à tous les genres littéraires.
Pourquoi la poésie spécifiquement ?
J’ai opté pour la ‘’Poésie’’ parce qu’à mes yeux tout est Poésie. J’aime la contemplation. Je suis un rêveur et un grand admirateur de la nature. J’aime l’écouter, la cerner et pénétrer ses mots au travers de la brise, des feuilles, des arbres et tout le mystère qu’elle contient. Chaque jour, la nature parle et nous instruit, même si l’homme souvent l’ignore. J’apprécie encore le genre poétique, surtout le classique, parce qu’il impose la rigueur dans le style et te donne le pouvoir d’épancher ton cœur, ton esprit, ton âme. In fine, j’aime ce genre littéraire parce qu’il permet de traduire même l’intimité de la pensée et de l’exposer comme sur le van pour qui voudrait s’instruire sous l’égide de la curiosité intellectuelle.
On vous sait chroniqueur littéraire. Cependant, pour vous dévoiler et faire vos preuves dans le monde de la littérature, vous écrivez un recueil de poésie intitulé Brin d’hysope. Pourquoi ce livre pour débuter votre carrière littéraire ?
J’ai voulu débuter par ce livre parce qu’il contient tout mon moi. Ce livre est mon espace intrinsèque où se défilent la réflexion sur la condition humaine, la joie, les blues, la médiation, l’espoir et, comme une métamorphose de chrysalide, se libère de toute étreinte existentielle pour se vêtir d’une parure neuve et des ailes comme le papillon pour un nouvel envol. Brin d’hysope, c’est 20 ans d’existence, de péripétie, de vicissitude, d’obsécration, d’espérance et d’extase.
Pourquoi le titre Brin d’hysope ?
Brin d’hysope est une image métaphorique. Le ‘’Brin’’ qui arbore ici la fragilité et l’infimité de la vie humaine mais bien remplie de souillures et l’ ‘’Hysope’’, cette feuille dépuratrice, qui représente Dieu, le seul qui purifie. Le Brin d’hysope résume donc une vie entachée et qui cherche la purification près du créateur. Dans la tradition africaine, l’hysope joue un rôle crucial dans la sanctification du corps et de l’âme. Fors l’aspect littéraire, on peut arguer que ‘’Brin d’hysope’’ a un effluve religieux qui fait référence au psaume davidique 50 de la bible : « Purifie-moi avec l’hysope et je serai pur ; lave-moi et je serai blanc, plus que la neige. »
Comment ont été les débuts du projet de rédaction de cet ouvrage? Y a-t-il eu de difficultés pendant le tissage du recueil Brin d’hysope ? Si oui lesquelles ? Et qu’est-ce qui vous a motivé à continuer ?
Je n’ai vraiment pas eu de difficultés dans la rédaction de ce livre. Je savais ce que je voulais partager, les pensées et les sentiments que je voulais y enfermer. Voyez-vous, le livre est le plus grand indiscret qui soit, c’est l’ami le plus infidèle. Vous lui racontez votre vie, vos émotions, vos secrets pensant qu’il les garderait. Mais il se met aussitôt à se prostituer avec en les divulguant un peu partout et à tout lecteur. Juste pour dire qu’il faut d’abord savoir ce que l’on voudrait transmettre au lectorat. Une fois que vous le savez, l’écriture devient toujours facile. Le livre est une propriété privée qui devient publique dès lors qu’il est publié puisqu’il tombe dans les mains d’un autre qui contemple vos silences, vos soupirs, vos peurs et votre pensée. Ce qui m’a motivé à lui consacrer du temps fut mon envie pressante de m’épancher.
Les thèmes développés dans ce chef d’œuvre proviennent-ils de la pure imagination ou du rationnel, ou encore peut-être du rationnel mélangé à de l’imagination ?
Je fais de la Poésie classique. Je suis notamment influencé par le romantisme qui diffère du classicisme par la prédominance du sentiment sur la raison. Il est donc possible au romantique de peindre l’intérieur de son cœur, d’exprimer ses peines sans trouble au visage et ses joies sans hypocrisie. En effet, le lecteur a parfois besoin qu’on lui parle de lui. Et quand le romantique épanche son cœur, il fait directement celui du lecteur aussi, car nous vivons tous la même chose. La vie humaine se résume au phénomène ambigu de la naissance, aux belles illusions de la jeunesse et au mystère du cercueil. Et dans Brin d’hysope j’ai parlé en faisant parler le lecteur qui veut qu’on lui parle de lui. Les envolées lyriques qui embrassent celles élégiaques proviennent d’un cœur sincère.
Birago Diop affirme dans son poème Le souffle des ancêtres : « les morts ne sont pas morts ». Vous avez abordé le thème de la mort dans votre œuvre avec une certaine particularité. Pensez-vous, en tant qu’Africain, que d’une manière ou d’une autre les morts veillent sur nous les vivants ?
Dieu a créé l’homme en lui offrant tout bien nécessaire pour son épanouissement. Néanmoins, à côté il lui a fait un antagoniste qu’il n’arrive jamais à vaincre : la mort. C’est peut-être un moyen pour lui de montrer à l’homme sa faiblesse malgré son intelligence créative et de lui enseigner l’humilité, la source de toute grandeur. Mais ceux qui sont morts veillent-ils vraiment sur leurs proches ? Des polémiques rôdent souvent autour de cette question. Car devant certaines situations de la vie, la voix lance : ‘’Son père ou sa mère n’est plus de ce monde, et pourquoi permet-il (elle) que ce genre de chose lui arrive, à lui son fils ? Ne peut-il (elle) pas le protéger ? ‘’. Dans ce cas, ceux qui soutiennent que les morts n’écoutent plus rien des vivants de ce monde semblent avoir raison. Mais quand c’est le contraire qui se produit, la voix dit toujours : ‘’C’est son père mort ou sa mère morte qui l’a sauvé et l’a assisté dans son ascension’’. Et à ce niveau, ceux qui pensent que ‘’les morts ne sont pas morts’’ l’emportent sur les autres. Toutefois, me basant sur mes propres expériences, je voudrais bien répondre à cette question à travers cette assertion de Victor Hugo : « L’Hymne de l’orphelin est écouté des morts ».
Qu’est-ce qui vous inspire dans votre projet d’écriture? Un ou des auteurs? Un esprit ? Ou quelque chose d’autre ?
Tout de la vie m’inspire. Ma plus grande source d’inspiration reste la nature qui est un livre dans lequel Dieu écrit et que je prends plaisir à lire au quotidien. Mais avant, il faut avouer que Dieu reste la meilleure des sources d’inspiration, car tout ce que nous écrivons vient de lui. Pour parler des auteurs qui m’inspirent dans mon projet littéraire poétique, je citerai les classiques et romantiques comme Lamartine, Théophile Gautier, Sully Prud’homme, André Chénier, Nietzsche (qui avant tout, est un grand poète) et surtout le plus admiré Victor Hugo qui est juste un monument de la littérature.
Quel est le message principal que vous transmettez à travers Brin d’Hysope ?
Brin d’hysope est aussi une invite à une réflexion commune sur la condition humaine sous toutes ses formes et sous toutes ses conditions. L’écrivain ne fait qu’écrire, il revient au lectorat d’en juger et d’en tirer ses propres conclusions. Je laisserai donc chaque lecteur découvrir le message contenu dans ce livre et qui lui parlera certainement de lui-même.
Vous développez maints types d’amour dans le livre, surtout le sujet de Dieu revient un nombre considérable de fois. Les sujets de l’amour et de Dieu doivent être d’une très grande importance pour vous ?
Saint Jean écrit : « Dieu est amour ». Chanter l’amour revient à chanter l’essence même de tout sentiment. Le Poète romantique ou classique prend Dieu comme la source de toute chose. Son œuvre n’a de valeur que quand elle chante Dieu à travers ses créations dont la plus grande reste la nature. Je me suis plié à cet exercice dans Brin d’hysope qui est aussi un livret de prière d’un pécheur qui reconnait Dieu comme artisan de sa vie. Dieu est donc ma vie. Et ma vie m’est importante.
Plusieurs lecteurs se plaignent souvent de l’hermétisme des œuvres poétiques qu’ils jugent de pédantisme maladroit. Mais en lisant votre œuvre, ce qui frappe en premier, c’est le style poétique qui est très ouvert, très fluide et qui donne facilement matière à compréhension. Pourquoi cette différence à votre niveau ?
J’ai toujours pensé que la poésie, ce n’est pas de la grandiloquence. Mais juste de petits mots emboîtés les uns aux autres pour transporter le cœur et l’esprit vers des sphères émotionnelles.
Pensez-vous que la poésie doit seulement s’atteler au Beau et au cliquetis des vers pompeux ?
Le Beau sans le Bien, c’est de l’Oripeau. La poésie, au-delà des images qu’elle peut refléter et qui flairent le beau, le suave, l’exquis, c’est d’abord une hampe qu’on lance et qui peut même en filigrane tracer des sillons pour louer le bien, le bon, et au besoin, répandre la braise ardente sur la tête du mal, du mauvais.
Après Brin d’hysope, que réservez-vous à votre lectorat. Un roman ? Une pièce de théâtre? Un recueil de nouvelles? Ou encore un livre poétique ?
Beaucoup d’autres choses, un peu comme tout ce que vous venez de citer.
Voudrez-vous bien nous faire lire un petit texte de votre plume ?
Bien sûr. Avec plaisir.
« La paix est juste un mot, mais c’est une puissance.
C’est le reflet du cœur sans peur et sans méfiance.
C’est elle qui pare d’ailes la liberté.
C’est elle qui ailleurs fait d’un pays la fierté.
Elle fait la démocratie, l’âme vivante
D’une nation qui veut sa pensée savante,
Qui fait rayonner de mille feux son maint rêve,
A travers unité, amour, travail sans trêve.
Défendre la vraie paix, c’est laisser l’âme humaine
Se mutiner contre le mal, le faux et la haine.
C’est bien débarrasser de souillures l’esprit,
Comme alors le fit aux pécheurs Jésus-Christ.
C’est s’unir, s’entendre, c’est s’aimer, se comprendre,
C’est se mettre ensemble, travailler, se surprendre.
L’esprit uni, c’est le sourire de la paix.
Celui qui éclaire et qui sort du gouffre épais. »

Où peut-on se procurer Brin d’hysope ?
Brin d’hysope est en vente sur le site suivant :
Il est aussi disponible dans les librairies ‘’Notre-Dame’’ et ‘’SONAEC’’ à Cotonou. Pour l’avoir, on peut aussi contacter les numéros : 00229 9410404, 00229 97783463, +1 9179132414.
Le mot de la fin ?
Je vous réitère mon merci. Je vous souhaite aussi beaucoup de détermination pour tout ce que fait le blog pour le rayonnement de la littérature. Ce fut un plaisir de partager ce moment littéraire avec vous. Vive la littérature ! Vive la poésie !
Propos recueillis par Junior AVINOUMON