Bonjour, M. C. Sofeu, merci d’avoir accepté cet interview. Pourriez-vous brièvement nous parler de vous et de votre parcours d’auteur ?
Merci pour cet honneur que vous me faites de m’exprimer sur votre blog. Je suis Cyrille Sofeu, licencié en Lettres modernes françaises de l’Université de Dschang. Actuellement, je suis à Yaoundé où j’exerce dans le domaine informatique d’une entreprise commerciale. Les Douleurs cachées est ma première œuvre littéraire.
De quelles sources vous inspirez-vous ?
Un rien du tout peut inspirer un écrivain. Il en est de même pour tout artiste à mon avis. Observer minutieusement la nature, la vie, les faits de société, lire un bouquin, être attentif en regardant un film, en écoutant une musique ou une conversation, voilà autant de facteurs qui meublent mon inspiration. Et tout cela dépend de mon état d’esprit, car il faut avoir l’esprit ouvert, être réceptif pour pouvoir capter puis extraire de ces facteurs la substance de votre écriture.
Quelle appréciation portez-vous sur cette formule d’Edison selon laquelle le génie serait « 1 % d’inspiration et 99 % de transpiration » ? En avez-vous fait l’expérience dans votre entreprise de création littéraire ?
Edison avait vu juste dans sa formule. En réalité, lorsqu’une idée ou simplement une inspiration surgit, le plus dur est de la matérialiser : penser aux personnages, au cadre spatial et temporel ainsi qu’aux idées secondaires qui graviteront autour de votre idée première qu’est le thème central. Évidemment que j’ai fait cette expérience pour mon livre, mais laissez-moi vous dire, peut-être paradoxalement que, 1 % d’inspiration semble peu, mais sans ce pourcentage-là, les 99 % de transpiration ne seraient qu’un cri dans le désert. L’inspiration c’est le déclic de toute création littéraire.
Quel est votre livre de chevet ?
Actuellement comme livres de chevet, je peux citer Le secret de mon échec de Kelly Yemdji, Trois petits cireurs de Francis Bebey, Tu diras ces douleurs de Zango Achille Carlos d’où je tire d’ailleurs le titre de mon recueil de nouvelles.
Considérez-vous votre casquette d’écrivain comme un métier ou une passion ?
L’écriture est avant tout une passion, car elle permet à l’écrivain de s’évader tout en transmettant des émotions. Toutefois, sous d’autres cieux je l’aurais considérée comme un métier, mais dans notre contexte au Cameroun, il est difficile de ne vivre que de l’écriture. C’est la raison pour laquelle bon nombre d’écrivains font autre chose en parallèle, question de joindre les deux bouts, car parler des droits d’auteurs au Cameroun c’est comme lancer des cris vains dans le vide.
Les Douleurs cachées constitue votre premier jet sur la scène littéraire. Ce recueil de nouvelles sonne tel un cri de détresse. La thématique constante à forte connotation péjorative de ce livre cache-t-elle un malaise personnel que vous voulez extirper par le biais de l’écriture ?
J’ai écrit ce livre dans le souci premier de dire au monde les peines et les misères des jeunes au Cameroun. Je l’ai écrit pour refuser de cautionner l’injustice dont la jeunesse semble être la principale victime. J’ai écrit ce livre pour rendre publics les non-dits qui résonnent comme des mystères et l’officieux qui se cache derrière la stagnation des jeunes dans mon pays. Je l’ai écrit pour me mettre de leur côté pour qu’ensemble, nous fassions bouger les lignes actuellement raidies depuis des décennies par un système de gérontocratie abjecte et « jeunocidaire » étouffant les ambitions des jeunes en les réduisant sans état d’âme dans les ruines sombres du silence.
Au sortir de la lecture de votre œuvre, une critique déclare : « L’auteur s’est résolument acquitté de ses responsabilités sociales. Il invite les autorités à une prise de conscience sur l’impérieuse nécessité de reconnaître, de valoriser et d’encourager le mérite […] Les jeunes sont conviés à développer le culte de l’effort, à se méfier de la vie de débauche et du libertinage universitaires ». Sous le prisme de cette assertion, quel regard portez-vous sur le rôle de l’écrivain ?
Je ne saurais répondre à cette question sans convoquer Aimé Césaire pour qui l’écrivain doit être le porte-étendard des âmes qui n’ont point de bouches, selon sa fameuse citation qui résonne comme le credo véritable de l’écrivain. Il est un éclaireur pour ses semblables, un guide quand ils se perdent, un berger lorsqu’il est question de protéger ceux-ci, leur porte-parole quand le mutisme les muselle dans les méandres de l’inaction. Mon livre c’est l’écho d’une jeunesse embastillée dans les profondeurs labyrinthiques de l’impuissance ; c’est le désir ardent d’une jeunesse prête à se rendre disponible à servir la nation. Si en écrivant, on considère que je me suis acquitté de mes responsabilités sociales, c’est tant mieux.
Le parcours tragique du personnage typique de Les Douleurs cachées est-il un choix scriptural ou le reflet d’une jeunesse véritablement condamnée par le système établi et sans lueur d’espoir ?
Le système en place chez nous est fermé, verrouillé par une gérontocratie qui réduit le jeune à la débrouillardise au risque des incidents qu’il encourt. Je dirai donc qu’il s’agit d’un choix scriptural imposé par le vécu désastreux des jeunes sous mes yeux. Allier les deux, m’a permis justement d’aboutir à ce résultat qui, j’ose croire, traduit en symphonie la douloureuse situation des jeunes dans mon pays.
Le cadre universitaire est évoqué dans la plupart des nouvelles qui meublent Les Douleurs cachées. Pourquoi le choix de cet univers ? Recommanderiez-vous ce recueil de nouvelles à une catégorie de lecteurs en particulier ?
On ne saurait décider d’écrire sans faire des choix. Le contexte socioculturel de mon pays m’a permis de faire le choix du cadre universitaire comme creuset de mon projet d’écriture. Aussi, c’est pendant mon cursus à l’Université de Dschang que m’est venue l’idée de ce livre. Et tout naturellement, j’ai construit mes péripéties dans ce cadre qui m’était familier, l’université étant de plus en plus le lieu où les jeunes affluent abondamment. Jeune que je suis, m’engager à écrire pour la jeunesse, c’est espérer d’avoir un lectorat plus important, car en moi tout lecteur jeune s’y reconnaîtra et plus aisément le livre passera.
Dans les nouvelles » Mésaventures universitaires » et « Réalités estudiantines », vous mettez en scène deux personnages de sexes opposés. Quelle intention se cache derrière une telle démarche ?
L’après-Baccalauréat chez nous est une situation sans cesse difficile à gérer. La plupart du temps, l’université est presque toujours l’option par défaut qui se présente. Alors, l’idée d’écrire deux nouvelles avec des personnes de sexes différents part de mon souci de mettre en garde ces jeunes nouvellement bacheliers de ce qui les attend dans cet univers dont ils ignorent les méandres. « Mésaventures universitaires » c’est l’histoire tragique de la jeune Gabine que j’ai écrite pour m’adresser aux filles tandis que « Réalités estudiantines » c’est un appel au discernement des garçons par l’expérience fâcheuse de Kennedy, quant aux filles rencontrées au hasard d’un jour et qui s’accrochent telles des sangsues au peu de moyen que nous avons au pont de nous détourner de l’objectif : les études
Quelle démarcation faites-vous entre le caractère autobiographique et le pan fictionnel du récit de « Un avenir en noir » ?
Un avenir en noir c’est assurément le point de départ de mon projet. C’est la nouvelle qui d’ailleurs m’a inspirée le titre du recueil. La fiction y occupe une grande part, mais l’écriture n’étant jamais ex nihilo j’ai dû m’appuyer sur l’expérience d’une personne qui m’est proche pour rédiger ce texte qui sonne comme un « J’accuse » d’Émile Zola en France. Je qualifierais donc cette nouvelle d’« alter-biographie » dans le fond et qui puise dans la fiction pour agrémenter la forme.
Pensez-vous qu’il suffit de dénoncer les pouvoirs politiques dans les livres pour que la donne change ? Que faut-il faire d’autre pour que l’écrivain quitte cette posture de chien qui aboie et pourtant la caravane passe ?
Aborder cette question m’a toujours semblé délicat. C’est une évidence pour tous que l’écrivain n’a pas le pouvoir du politique, encore moins les moyens dont dispose ce dernier. Toutefois, la littérature en particulier et l’art en général ont ceci de particulier qu’ils touchent les âmes en passant par le cœur. Et Dieu seul sait qu’un cœur touché est capable de grande révolution. C’est cela qui rentre dans ce que j’appelle les « espérances de l’écrivain » puisqu’en réalité on n’écrit que pour espérer les lendemains meilleurs. Jamais un écrivain ne signera un décret ou un arrêté pour faire cesser le chômage, la guerre, éliminer dans les habitudes humaines le culte du viol, du vol, de la corruption, du tribalisme ou tout autre fléau. Il ne peut qu’écrire pour pointer du doigt puis espérer en retour qu’on suive son regard. Mais dire qu’il aboie la caravane passe me semble excessif. L’écrivain est comme un architecte. Il visualise ; il conceptualise afin que le politique matérialise.
Quelles sont vos certitudes d’espérances en un lendemain meilleur pour la jeunesse africaine ?
La jeunesse africaine a du potentiel à revendre. Elle a besoin, comme je l’ai dit dans un précédent entretien accordé à une autre plateforme, qu’on croit en elle, qu’on lui donne les moyens et qu’un terrain propice lui soit accordé afin de mieux se déployer et ainsi montrer de quoi elle est capable.
La Nouvelle est-elle votre genre favori ? Pourquoi l’avoir choisie pour votre première publication ?
Je n’ai pas de genres favoris, mais tout ce qui tourne autour de la narration me parle plus. La nouvelle a ceci de particulier qu’elle se caractérise essentiellement par sa concision. Quand on parle de concision, cela va ipso facto avec la densité dans la narration question de maintenir le lecteur en alerte jusqu’à une chute inattendue qui suscite en lui de fortes émotions savamment recherchées. J’ai fait le choix de me soumettre à la douce violence de ce genre extrêmement exigeant question de m’entraîner pour quelque chose de plus grand comme le roman, pourquoi pas.
Quel sentiment éprouvez-vous face à l’écho que fait retentir votre premier livre ? Avez-vous reçu des remarques surprenantes de la part de lecteurs ?
Le sentiment que j’éprouve ne peut être que celui de la joie, vu qu’il est toujours agréable d’être chez soi et penser que quelque part dans le monde une personne lit ce que vous avez écrit comme legs à l’humanité. Un écrivain vit de son lectorat, un écrivain vit par son lectorat.
Parlez-nous de vos projets. Quels sont vos prochains chantiers ? Votre lectorat devrait-il s’attendre à une publication imminente ?
Pour l’heure, mon chantier majeur est la vulgarisation du livre. Les douleurs cachées a malheureusement vu le jour au moment où la planète entière fait face à la fâcheuse pandémie du covid19. Puisqu’il a été publié en France où il se vend déjà assez bien, je me bats actuellement pour faire venir des exemplaires au pays afin d’organiser, pourquoi pas, une soirée de dédicace. Par ailleurs, plusieurs travaux collectifs sont en cours avec des auteurs d’ici et d’ailleurs en vue de consigner dans des projets d’anthologies nos visions et espérances sur l’humanité.
En parallèle, je suis en pleine rédaction d’un roman dont je n’ose pas encore dire grand-chose pour la simple raison que je vais prendre tout mon temps là-dessus.
Où et comment se procurer votre livre ?
Les douleurs cachées est déjà disponible sur Amazon.fr et sur le site de l’éditeur depuis sa sortie. On peut également le commander en version papier et numérique à l’adresse ci-dessous : https://www.edilivre.com/les-douleurs-cachees-cyrille-sofeu.html
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui hésite de se lancer dans l’écriture ?
Le seul conseil que je donnerai ici est de beaucoup lire. Comme on lit, c’est comme ça qu’on écrit. En lisant, on se cultive ; en lisant, on acquiert des automatismes.
Votre mot de la fin.
Merci à votre blog, le Sanctuaire de la Culture, pour le soutien, l’accompagnement et la promotion de la littérature en particulier et la culture en général. Ça a été un immense plaisir d’échanger avec vous. Les jeunes africains ont besoin des plateformes comme celle-ci pour s’exprimer et se faire connaître. L’Afrique a un incroyable talent. Ne l’oublions jamais. Une fois encore, merci !
Interview réalisée par Pulchérie Mala Ndassi
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