
Le soleil s'était levé très tôt, ce jour-là. Très matinal, il avait miraculeusement devancé l'aube et l'aurore. Car nous n'avions pas su à quelle heure exactement cette boule flamboyante avait commencé à voguer sur l'océan du ciel bleu...
Ceci est un extrait tiré du recueil de nouvelles «La colère du fleuve» de Prince Arnie Matoko. En effet, ce morceau choisi est pour montrer, de prime abord, la facilité avec laquelle l'auteur se délecte de la description dans la narration de ses nouvelles.
Prince Arnie Matoko est né à Pointe-Noire, en république du Congo. Il est poète avec plusieurs titres à son compte.
«La colère du fleuve» est son deuxième recueil de nouvelles, avec 126 pages habillées de sept histoires dont : L'expulsé, Demain je suis riche, La rue des sorciers, C'est triste de perdre sa meilleure amie, Un fou pas comme les autres, Le soleil de Fleuville, La colère du fleuve.
Dans cet ouvrage, il est question de l'escroquerie, d'un fait surréaliste, de l'amitié brisée, de l'arrestation, de la liberté et de la justice. L'auteur évoque les antivaleurs sociales et le bon sens. Le titre de l'ouvrage est d'ailleurs révélateur car «La colère du fleuve» fait appel à la justice, à la raison et aux valeurs sociales qu'emportent nos agissements quelques peu démesurés. La dernière nouvelle qui porte le titre de l'ouvrage expose le fleuve comme juge et père, capable de résoudre un problème et de faire régner la paix. Ainsi, le fleuve, faisant partie de la nature, est par conséquent la nature elle-même dans toute sa puissance et sa suprématie sur l'Homme. Comme le souligne l’adage populaire «Tout se paye ici bas», de la première à la dernière nouvelle, l'auteur montre combien l'Homme peut être obstrué du bien par ses vilains actes et comment il peut en payer le prix.
De la semence à la récolte ?
Dans la deuxième nouvelle Tanga Mingui (qui a beaucoup étudié) se fait escroquer par son ami de la fac Moutounta. Que peut en récolter ce dernier? De l'argent oui, mais aussi la colère du fleuve.
«C'est plus qu'une monnaie de singe. Mais à malin, malin et demi. Son compte lui sera réglé, je le crois», p. 51.
Cette façon dont l'auteur peint la société et ses réalités n'est pas seulement pour le plaisir de lire mais aussi pour l'éducation et un appel à la ''repentance'' afin que nous abandonnions nos vilains actes. Une belle interpellation qui affiche des faits surréalistes comme dans la troisième nouvelle où une dame comparaît devant le tribunal pour ses actes de sorcellerie ; tout comme dans la cinquième nouvelle où l'arrestation d'un fou agite l'opinion public. Sur la page 94, l'auteur évoque le procès de Meursault dans L'Étranger d'Albert Camus alors que le monde dont il s'agit est fictif. Donc ce procès du siècle comme décrit dans la nouvelle est surréaliste. Le texte a pour but de montrer la folie des autorités publiques et non la folie de Maleya Kilahou (fou intelligent), un fou pas comme les autres.
Prince Arnie Matoko a une plume particulière qui attire l'attention du lecteur: le nom de chaque personnage porte un message codé en Kitouba, Lingala et même le Français. En effet, le premier personnage dont on fait connaissance à la première nouvelle c'est Zola Mambou (une expression signifiant à peu près: regarde moi ça).
La quatrième nouvelle évoque une calebasse cassée. Cela symbolise une amitié brisée par l'innocence et l'immaturité. Il est aussi question d’un amour naïf du temps de l'école primaire.L’auteur essaie de montrer que le rapport de l'amitié fille/garçon et l'amour avoué peut engendrer une séparation...
Cependant, la nouvelle la plus intéressante à mon avis la sixième, celui dont le personnage principal est Bolingo (amour). Un nom qui révèle l'amour d'un jeune pour sa patrie. Malheureusement il va s'attirer la foudre et la jalousie du chef d'État-major général Boma Bato (tue les gens). Entre bastonnade, arrestation et liberté, l'auteur met en exergue la suprématie de la communauté internationale sur les États. Bolingo en bénéficie en tant que cadre reconnu et respecté par l'O.N.U.
En définitive, l'auteur rappelle aux lecteurs la force et le pouvoir du peuple. Il invite ceux-ci à un éveil de conscience. Nonobstant, une problématique se pose à mon sens : suffit-il à un peuple de s'indigner, prendre la rue pour gagner son combat qui n'est autre que celui de la liberté ? Liberté au sens large du terme vu le contexte politique africain...
Juvénale Obili
Réf: La colère du fleuve, Renaissance africaine, 2018, 19€.