
Préparation au combat est le quatrième ouvrage de Mattia Scarpulla, auteur québécois d’origine italienne.
Dans ce recueil, on apprend que la vie est un combat et pour y demeurer, il faut être prêt, se préparer à la confrontation, aux différences, aux joies, aux peines, aux rencontres et aux séparations… On n’obtient rien sans combat. Ce recueil de nouvelles, à mes yeux, fait écho à ces vers de Victor Hugo :
« Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front.
Ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime.
Ceux qui marchent pensifs, épris d'un but sublime ».
La vie est un combat. Il faut s’y préparer pour se maintenir en vie, continuer à vivre et s’ouvrir aux possibilités réalisables. Vivre, expérimenter, lutter, combattre, se battre. L’autre, apparemment adversaire ne le devient que si nous aussi nous nous posons en adversaires devant lui. C’est la question de l’altérité.
Dans ce recueil, l’auteur associe une certaine autobiographie à une fiction à partir des lieux réels et des souvenirs communs. Les histoires aussi diverses les unes que les autres mettent en lien des personnes dont la première caractéristique est leur différence visible. Scarpulla invite ses lecteurs à aller au fond des choses de la vie pour comprendre que sans autrui, la vie n’est pas possible.
S’il y a plusieurs personnages dans ce recueil de nouvelles, il y en a deux assez insolites qui reviennent du début à la fin du livre : Le Québec et l’Italie. Ce qui se comprend aisément car l’auteur est italien d’origine et habite le Québec. Tous les autres personnages varient en fonction des nouvelles. Il y a, par exemple, Éric, Geneviève, Barbara dans la nouvelle qui donne son nom au titre du recueil.
Ces personnages d’origine, de religion et d’orientation sexuelle différente se baladent à travers le Québec et notamment dans la ville de Québec.
Dans la nouvelle qui donne au recueil son titre, Préparation au combat, il est question de la disparition d’une trentaine d’enfants. Personne ne sait où ils se trouvent. Cette disparition occasionne un retour à la fraternité dans les quartiers. En effet, lors des enquêtes, les populations ressentent le besoin de se ressouder autour de cette cause. Il neige, il ne fait pas beau du tout, mais cela n’empêche pas les gens de se mettre ensemble afin de trouver des solutions. Éric découvre la saveur de la bière dans chaque maison qu’il visite. La bière lui donne du tonus et le réchauffe dans ce froid hivernal parfois plombant.
Au fil de la nouvelle, Scarpulla laisse entrevoir une histoire d’amour assez complexe. Éric et sa sœur Geneviève sont amoureux d’une même femme : Barbara l’Italienne. Tous les trois vivent une relation amoureuse et chacun ou chacune, sans pourtant être possessif ou possessive, se contente de ce qui lui revient. Ce type de relation revient aussi dans la nouvelle intitulée : « Laura, Andrea, Daria, et Pietro n’habitent plus en Italie ». Dans cette dernière nouvelle, il est davantage question de relation homosexuelle entre les différentes personnes qui vivent des déceptions et qui se partagent l’amour d’une façon très simple.
Si Éric n’envisage pas de quitter son Québec natal pour Barbara qui doit bientôt rentrer en Italie, Geneviève elle, pressent qu’il s’agit là d’un amour éternel. Pour Barbara elle est prête à tout… même tuer, affirme-t-elle à son frère. Elle se crée des amis italiens, elle apprend l’italien et se teint les cheveux comme Barbara, elle adule Venise et envoie sa candidature dans des universités italiennes. Elle prend des risques…
Dans la plupart des nouvelles de ce recueil, l’amour qu’il soit charnel, spirituel ou platonique est au rendez-vous. Il se décline de plusieurs manières.
Dans la première nouvelle, par exemple, Diversité culturelle, diversité religieuse et diversification de sentiments sont au rendez-vous. Chaque prénom, chaque personnalité traduit une réalité humaine. Comme le monde est divers, les relations entre les personnages durant ce voyage en auto laisse défiler les réalités du passé, l’amour, la séparation, les préjugés, les conflits, les sous-entendus et l’amour…
Préparation au combat ou l’éloge de la rencontre ?
À n’importe quel moment, une rencontre peut nous surprendre parce qu’elle peut nous ouvrir à la vie ou nous fermer la porte de la Vie.
À certains endroits de ce recueil, Scarpulla m’a fait penser à Alice Munro (la souveraine de l’art de la nouvelle contemporaine) non point dans le style, mais dans les thèmes qui ont trait à l’intersubjectivité et qui vous plongent, juste en quelques descriptions, dans un univers comme si vous vous trouviez dans un restaurant où il vous faut décider de votre choix.
Ce qui m’a aussi charmé dans ce recueil de nouvelles, ce sont d’abord les histoires. Je suis très sensible à la question du Vivre-ensemble et la manière de souligner les différences des gens qui malgré tout partagent le même univers est assez remarquable. Il y a aussi la question du terrorisme qui n’est peut-être pas très présente au Québec mais qui reste une question tout de même… Il y a aussi le style, discontinu, aiguisé et confiant qui interpelle le lecteur vigilant.
« J’ouvre une armoire et déverse le contenu de mon estomac sur les vêtements de Carlo. Ma main trouve l’interrupteur. Je contemple avec plaisir le dommage causé. Carlo devra s’offrir de nouveaux habits de luxe. En remettant le meuble, je sursaute. Une présence dans mon dos ».
Toutes les nouvelles de Préparation au combat, traduisent les rapports humains, lieu de la rencontre, du conflit et de l’harmonie aussi. Il y a notamment les Origines. Scarpulla traduit l’amour des origines en lien avec l’exil comme pour dire que l’exil ne nous déracine pas toujours complètement… bien au contraire, il nous rapproche très souvent de ce que nous sommes en réalité et d’où nous venons. Dans la nouvelle « Un arbre dans la rue », Margherita repense à son Italie natal après cinq ans de vie à Québec. Tous les souvenirs remontent et elle n’en peut plus, elle veut rentrer chez elle à Bologne. « Les apéros sur la place, les après-midi à la plage de Porto Venere, la musique de son adolescence, les manifestations à l’université »… Tout cela lui manque à Québec. Mais elle veut surtout sauvegarder le patrimoine italien que la dictature est en train d’avaler par faux amour des traditions :
« Nous devons rentrer en Italie
Nous devons donner l’exemple aux autres expatriés
Nous devons partager nos expériences à l’étranger
Nous devons essayer de changer les choses, avant que la dictature ne s’installe définitivement »
Cette nouvelle à elle seule transporte le lecteur dans l’Italie traditionnelle et moderne. On y retrouve des questions politiques mais aussi des situations ambiguës où finalement on ne sait pas qui sont réellement nos proches : des espions, des membres de la mafia ?
L’origine et l’exil constituent ce qu’il y a de plus complexe dans le monde. L’origine comme l’exil laisse un vestige, une marque. Cela peut être une cicatrice, un souvenir, un amour, une déception, un goût, une mélodie comme on le voit dans tout le recueil où la chanson italienne demeure le point de repère pour ceux qui sont partis. C’est tout cela qui définit ces immigrants, ce qui fonde leur richesse tant individuelle que collective.

On ne quitte vraiment jamais chez soi, même si on décide de partir un jour. La migration ou le déplacement des personnes n’est jamais anodine. Il y a comme cette idée d’éternel recommencement car il faut toujours se réinstaller physiquement d’abord ( on reste longtemps chez soi mentalement, même après le déplacement surtout lorsqu’il n’est pas voulu). Et c’est un enjeu fondamental parce que l’on risque de rater son intégration et passer à côté du bonheur. L’éternel recommencement de vies déplantées volontaire ou involontaire. Partir oui, mais pour quoi ? Scarpulla essaie de montrer ici que si partir c’est mourir un peu comme dit la chanson, il faut bien renaître quand on arrive au lieu d’immigration, construire, s'organiser et penser l’avenir. Effectivement, l’exil ne peut se penser sans terre d’accueil. Et ici dans le recueil de nouvelles, Québec, Montréal, Rivière du loup et d’autres lieux forment la terre d’accueil avec tout ce qu’il y existe de complexe.
J’ai beaucoup aimé ce recueil de nouvelles de Mattia Scarpulla. Les histoires et la construction traduisent sans doute quelque chose de l’auteur lui-même. Les chemins sont inattendus, les chutes sont bonnes. Les souvenirs font voyager et l’idée du futur fait entrevoir quelque chose de meilleur. Toutefois, on ne manquera pas de mentionner que si les rencontres sont apparemment extérieures, elles demeurent éminemment intérieures. Dans la vie, il n’ y a pas de hasard.
Je vous recommande ce recueil et souhaite bon vent à Mattia Scarpulla !
Un grand merci au service Presse des éditions Hashtag.
Nathasha Pemba
Références du livre
Mattia Scarapula, Préparation au combat, Montréal, Hashtag, 2019.