
Felicia Mihali est la romancière polyglotte de la matérialité du vivre-ensemble. Elle sillonne, à partir de ses mots, le ciel, la terre, les relations intersubjectives… tout l’univers.
Adam malade, dépendant de son épouse se laisse presque déposséder de toutes ses facultés. Il lui donne tout. Elle, lui donne toute l’attention possible au fil des jours. Elle semble consciente ou peut-être pas que la relation est devenue à sens unique, car si Adam semble malade, il lui arrive aussi parfois de se dire des choses au fond de lui. Elle aussi d’ailleurs. Adam souffre-t-il réellement d’un mal cérébral ? A-t-on envie de demander à l’auteure. Ou bien, ce choix de la maladie est une décision personnelle pour faire table rase du passé sans volonté de s’ouvrir à l’avenir ?
La narratrice qui est l’épouse du personnage principal raconte. Elle décrit la vie difficile de son époux depuis son accident vasculaire cérébral. Il a désormais le raisonnement d’un enfant de dix ans. Et elle ne peut rien faire pour l’aider à retrouver son âge d’antan. Elle est donc devenue une mère pour lui. Une mère qu’il est obligé de supporter. Ni vacances ni autre type de détente, leur vie se limite désormais à regarder la télévision sauf à Noël où la fille de la narratrice et son époux les rejoignent.
Un couple pas comme les autres.
Dans cette intrigue particulière, on a le loisir de découvrir la culture roumaine dont est originaire l’auteure. On le découvre lors de l’anniversaire de Marta, l’amie de la narratrice. Adam l’a accompagné. Il est là et à l’instar de toute personne qui porte un stigmate, il fait, l’objet de curiosité dans un silence particulier puisque si tout le monde est conscient de son état de dépendance, personne n’ose le dire à haute voix. Mais pourtant se repose la question de cet état mental d’Adam : est-il réellement malade ou cela est-il un choix pour avoir la paix du cœur et bénéficier de la minutie extrême de son épouse ?
Sont présentes dans le roman d’autres questions comme celle de la laïcité. Cela fait penser au débat toujours de la question de la laïcité dans une province comme le Québec. On fait aussi allusion au Communisme. Mais aussi et surtout la question de l’immigration : pourquoi les gens partent-ils ? Pourquoi beaucoup de roumains quittent-ils leur pays ?
L’exploration climatique, culinaire, la sollicitude de la narratrice et certains évènements douloureux la ramènent à des souvenirs d’il y a quelques années. Le tableau se relie à une anxiété tantôt réaliste tantôt surréaliste On en vient à se demander si leur situation présente n’est en quelque sorte pas le fruit de ces souvenirs passés : L’infidélité d’Adam ou encore la relation un peu floue entre la narratrice et Peter.
Un jour ou l’autre, les épouses cessent d’être des déesses pour devenir des sorcières. Plus tôt ou plus tard, elles commencent à se sentir exploitées, dupées. Était-ce mon cas ?
Le chapitre 7 qui m’a paru tout particulier déroule une histoire selon le temps, l’espace, la culture et les goûts… mais aussi une volonté de la narratrice de ne plus subir les goûts d’un époux devenu désormais impotent.
« Une deuxième chance pour Adam » est un titre masqué comme le ton de tout le livre, il n’annonce pas la détresse, à peine un désenchantement, le couteau s’enfonce insensiblement au fil des pages, la cassure au cœur d’un amour devenu formel, personne n’ose le dire. L’un se contente d’être materné, l’autre se plait à materner. C’est l’image actuelle de la société qui y est également peinte.
J’espère que tous ceux qui liront pourront y trouver des éléments nécessaires pour mieux encadrer le vivre ensemble. Tout y est. Il faut juste oser lire.
Merci aux Éditions Hash#ag
Nathasha Pemba
Références:
Felicia Mihali, Une deuxième chance pour Adam, Montréal, Éditions Hashtag, 2018.