
Poète dans sa peau.
L’écrivain ivoirien le plus prolifique de sa génération. Il me rappelle Saint Paul de Tarse après sa conversion. Il ne s’est plus jamais arrêté. Je guette ses publications sur les réseaux sociaux et je sais que lorsqu’il se retire c’est pour préparer la venue d’un nouveau livre. Pour s’entretenir entre deux publications, il a toujours quelque chose à communiquer comme Le père Noel va à Gagnoa. C’est un auteur que notre blog connaît déjà puisqu’en plus d’une interview, nous avons eu l’occasion d’analyser son livre intitulé « Le sommeil des indépendances » où l’on retrouve également des expériences togolaises.
Philosophe et écrivain, Josué Guébo est ivoirien et africain jusqu’au bout de son souffle et de sa plume poétique et tranchante. Il est ivoirien mais il a une passion pour l’Afrique qu’il aime et qu’il souhaite voir décoller et s’unir. Il est chercheur à l’Université Houphouët Boigny à Abidjan. Il a écrit plusieurs ouvrages et est Lauréat du grand prix Tchicaya Utam’ Si pour la poésie africaine.
L’Ombre du pont est un recueil de nouvelles publié en 2013. C’est donc la réédition qui fera l’objet de cette chronique. Ce recueil de nouvelles est un clin d’œil à son pays la Côte d’Ivoire mais aussi à Lomé ainsi qu’il l’affirme :
« Ces nouvelles ont presque toutes été écrites à Lomé au Togo, où je m’étais retiré d’avril à Septembre 2011, durant la guerre subie par mon pays, la Côte d’Ivoire. Je voulais ouvrir une fenêtre sur la fiction là où le réel m’avait semblé inévitable »
Comme j’ai souvent l’habitude de le dire à chaque fois que je dois « chroniquer » un recueil de nouvelles », il me paraît souvent difficile de le faire parce qu’il est impossible de traduire l’esprit de toutes les nouvelles. Il faut bien s’accrocher à une seule ou encore à deux d’entre elles.
«Ecoute, une terre cultivable remplie de serpents et de scorpions, reste une terre cultivable. Les choses sont très simples. Tu n’as qu’à éliminer les serpents et les scorpions. »
Josué Guébo est un véritable poète ainsi que le témoigne l’ensemble des nouvelles qui forment ce recueil. Le style est d’une pureté vivifiante… réconfortante. Josué Guébo dépeint des réalités de la vie quotidienne : difficultés, problèmes de croyance, choix importants, l’Afrique et la panafricanisme, l’amour… Son recueil met en scène des personnages dans la quotidienneté de leur vie à travers les ambiguïtés ou la simplicité de leurs sentiments à l’égard d’eux-mêmes comme le converti de la fumée dans la première nouvelle, ou encore à l’égard les uns des autres. Il narre l’humain et l’humanité où les personnes goûtent la compagnie des autres. Peu importe… chacun reste l’artisan de sa vie.
« Ne jamais perdre la mémoire de la destination »
Les situations peuvent être très embarrassantes comme dans la nouvelle Karen où au commencement est l’amour qui est suivi d’un soupçon de stérilité qui finit par déboucher sur un soupçon d’infidélité avec l’ami de l’aimé. Soupçon en réalité qui n’est que soupçon puisque l’aimé finit par apprendre que l’ami est homosexuel. Ici, Guébo pose la question de la diversité et de la différence, de l’acceptation de l’autre, de la patience et surtout de la confiance.
La chute de cette nouvelle est saisissante, profonde, merveilleuse et réussie.
Dans ces dix-sept nouvelles, Guébo donne un spécimen de son univers particulier où l’autre ne constitue pas l’enfer, mais une possibilité, une nécessité, un incontournable. Pour Guébo, et comme le souligne le Sachant, l’homme est un ensemble de possibilités.
Je vous recommande ce recueil.
Nathasha Pemba
Références:
Josué Guébo, L’ombre du Pont, Montréal, Shanaprod, 2018.