Natacha Odonnat est économiste de la santé, spécialisée dans les pays en développement et en transition. Originaire de la Martinique, elle habite à Montréal depuis 2012. Natacha Odonnat aide les autres à se réaliser en restant le plus possible eux-mêmes. Elle a créé le cabinet de consultation Shanaprod dans le but de permettre aux personnes de faire entendre leur voix par l'art. Elle se définit, de ce fait, comme Chercheuse. On peut aussi découvrir ses engagements à partir de son Blog Parle Ton parle.
Ayant habité dans plusieurs pays, Natacha Odonnat ne fait pas abstraction de la diversité humaine dans ce qu'elle écrit. Les histoires de son recueil se déroulent dans plusieurs pays où ses personnages font mention de leur expérience et de leur engagement.
Au secours, je suis enceinte ! est le premier recueil de nouvelles que je chronique sur mon blog. J’ai toujours hésité parce que passionnée moi-même des nouvelles, je sais qu’il est difficile d'écrire une critique sur l'ensemble du recueil parce que les histoires ne sont pas les mêmes comme dans un roman classique. Pourtant, ce recueil de Natacha Odonnat m’a convaincue non seulement par le style de rédaction, mais aussi par son unicité (presque) dont le thème de la grossesse permet de suivre chaque nouvelle en harmonie avec les autres.
Cependant, s’il y a une constante dans toutes les nouvelles, c’est celle de la présence de la femme ; elle est partout dans ce recueil. Pour cette chronique, je me suis focalisée sur trois nouvelles.
1-La première nouvelle, La folle de Pétion ville, met en exergue le visage d’une femme écologiste qui m'a rappelé l’engagement de Wangari Maathai. Il est, en effet, question de Joliette, une haïtienne qui lutte pour transmettre le message de la sauvegarde de l’environnement à d’autres femmes, précisément des paysannes qui ont une grande connaissance de la terre. Elle le fait si bien qu’elle finit par devenir modèle pour les autres femmes. Elle tombe amoureuse de José, un homme à la peau claire, et tombe enceinte de lui. Malheureusement, victime de la jalousie des autres femmes noires qui lui envient cet homme et cette grossesse, elle perd son enfant et devient folle.
2-Je veux croire à la vie , une nouvelle qui traite de la catastrophe naturelle de 2010 à Haïti. Très émouvante, la nouvelle rappelle comment l’amour et l’amitié peuvent permettre de tenir et d’espérer dans les moments les plus sombres de la vie. Elle souligne au passage la cupidité humaine qui veut toujours profiter des situations de malheur pour extorquer de l’argent même aux pauvres. Contrairement aux autres nouvelles qui parlent de la grossesse, Je veux croire à la vie est une exaltation de l’existence comme possibilité de vivre et d’espérer. Tout peut arriver dans la vie, mais il ne faut jamais désespérer.
3-Dans Naître : le premier combat de ma vie, Natacha Odonnat pense au bébé, au sacrifice qu’il consent lorsqu’il accepte de sortir du ventre de sa mère. Si la mère est celle qui subit les douleurs de l’enfantement, quitter le confort de l’utérus est aussi un supplice pour l’enfant qui vient au monde. Il fait en quelque sorte un saut dans l’inconnu.
Ce que l'auteure veut transmettre c’est ce désir qui habite toute femme qui tombe enceinte de voir être perpétuée sa lignée. Quelques fois, lorsque l’homme refuse de reconnaître son rejeton, la mère se sent le devoir de donner à ce dernier la chance de la vie, parce qu’elle sait que la vie ne se marchande pas. En ce sens, la femme devient la gardienne de la vie.
À travers les histoires et les personnages, Natacha Odonnat décrit le quotidien de diverses femmes enceintes. Ces nouvelles ont été écrites lorsque l'auteure était enceinte de son premier enfant. Elles ont donc, à ses yeux, en plus de la détente, une vocation cathartique. C’est tout le sens du sous-titre, Écrits cathartiques d'une femme enceinte, car la fertilité de son imagination lui a permis de vivre positivement cette nouvelle réalité qui faisait irruption dans sa vie.
Dans certaines nouvelles, l’auteure présente la grossesse, à première vue, comme une problématique existentielle. Dans le recueil, certains hommes refusent d'assumer leur responsabilité et laissent en général les mères s’occuper seules de leur enfant. C'est le cas de « Carmen Nicolas » dont le personnage principal finit par devenir "fille mère".
Natacha Odonnat pointe en outre une attitude commune répandue dans la culture antillaise: lorsqu’une fille annonce à ses parents qu’elle est enceinte, on considère qu’elle n’a plus d’avenir et que sa vie s’arrête avec cette grossesse. Cette diabolisation de la grossesse rétrécit les possibilités de la vie et de renouvellement, notamment dans un contexte comme celui des Caraïbes.
Les nouvelles sont intéressantes. L’idée est originale car elle vient d'une auteure enceinte qui a voulu s’occuper en écrivant des nouvelles. J’ai beaucoup aimé le thème de la grossesse et la manière dont sont décrits les personnages. Les chutes sont respectées. Ma nouvelle préférée est « Punition ».
. Je choisis de ne pas la commenter pour que les lecteurs découvrent par eux-mêmes ce dont il est question.
Je recommande ce recueil aux amis de la lecture .
Les titres des nouvelles sont, dans l’ordre d’apparition dans le recueil de :
La folle de Pétion-Ville
Punition
Carmen Nicolas
Texao ou le déni
Nano
Je veux croire à la vie
Au secours, je suis enceinte !
Adélaïde
Je voudrais pouvoir te parler d’amour
Perdition
Naître : le premier combat de la vie
Extrait de la nouvelle Perdition
Ma foi, mon fils n’est pas ministre, mais c’est un homme intègre et ce qu’il fait, il le fait bien. Ses voyages lui auront servi. Ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse ? Je crois que les êtres humains naissent programmés dès leur gestation, une divinité, capricieuse peut-être, leur donne aptitudes et appétits. Ce mois-là, je n’avais pas eu mes règles. C’était, selon mon fils, un petit dérèglement hormonal et j’ai cru que j’étais enceinte. Le mois suivant, j’ai eu mes règles. Mon corps n’a pas changé. Disons qu’il n’a pas changé dans le bon sens. Je maigrissais à vue d’œil. Pendant ces trois ans, j’ai mangé comme quatre, comme si j’avais un ver solitaire. Mais c’était pour alimenter les trois ans de perdition. Il se nourrissait de moi, croissait et se fortifiait. D’aucuns ont voulu me l’expulser mais je n’ai pas voulu. J’avais confiance, il reviendrait.
Nathasha Pemba
Référence de l'oeuvre:
Natacha Odonnat, Au secours, je suis enceinte! Écrits cathartiques d’une jeune femme enceinte, Paris, Mon petit éditeur, 2012
Sites Web de l'auteur:
http://www.shanaprod.com
http://parletonparle.blogspot.ca