Qui êtes-vous Alfoncine N.B.
Matriarche à la tête d’une communauté à dominante féminine. Retraitée et active. Ecrivaine. De nationalité belge, mais originaire du Congo-Brazzaville. Engluée dans de perpétuels questionnements.
Pourquoi êtes-vous là… dans la littérature ?
Essentiellement pour transmettre. J’ai choisi la littérature comme moyen adéquat et durable pour la transmission des expériences de vie, de mes expériences directes ou indirectes, de ma perception et de ce que j’ai pu appréhender de la vie des autres aux générations futures. Transmettre à qui? Me demanderiez-vous! A mes petits enfants d’abord et à ceux et celles qui pourront lire mes livres.
Vous voyagez régulièrement… Voyager, est-ce une passion ? Ou bien est-ce pour mieux être à l’écoute du monde ?
Déjà jeune j’aimais voyager. Me rendre à Enganga chez mon oncle paternel et à Ikoumou et Mwémbé chez mes grands-parents étaient pour moi un vrai bonheur malgré la longueur et les très difficiles conditions de voyage. A cette époque-là, on mettait trois pour couvrir la distance entre Brazzaville et Owando, ensuite on traversait la rivière Kouyou en bac avant de rallier Enganga puis Ikoumou et Mwémbé. De là est née ma passion pour les voyages. A quoi il faut ajouter la chance que j’ai eu de voyager sur presque tous les continents dans le cadre de mes activités professionnelles. Tous ces voyages réunis m’ont conviée non seulement à écouter le monde, mais aussi à ouvrir mes yeux et mon esprit pour admirer sa beauté et observer sa laideur!
Comment avez-vous réussi à opérer le passage du bureau de l’Unesco à la plume ?
Il convient de préciser qu’après l’UNESCO j’ai rejoint le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies (PAM); dans les deux organisations, la rédaction de différents rapports y compris de nombreux rapports de mission et autres documents de projets faisait partie de mes tâches principales. Je n’avais vraiment pas beaucoup de temps à consacrer à la littérature en tant que telle. Ma plume servait à écrire d’autres textes plus techniques, bien que de temps en temps je produisais des récits ou des poèmes que j’enfermais dans mes tiroirs ou que je rendais publics selon mon ressenti. Par exemple, mes poèmes sur le site interne (Intranet) du PAM alors que j’étais à Rome, m’avaient valu l’amitié des collègues en poste dans les coins les plus reculés et les plus dangereux de la planète. Mes poèmes étaient pour beaucoup d’entre eux comme un rayon de soleil ou une ondée désaltérante et apaisante ainsi que le témoignaient leurs réactions et commentaires.
Il y a quelques semaines, votre roman Makandal dans mon sang a obtenu le prix de la nuit des mérites catégorie littérature… Comment l’avez-vous vécu ?
J’ai été et je suis encore ravie et fière car Makandal dans mon sang est ma première œuvre littéraire stricto sensu. J’ai écrit les nouvelles de ce livre avec un cœur déchiré à cause de l’imminence de mon départ d’Haïti. Je venais de prendre ma retraite, je voulais vraiment rester à Port-au-Prince mais j’avais aussi mes enfants et mes petits enfants qui me réclamaient de ce côté -ci de l’Atlantique. Après presque deux mois de réflexion, j’ai choisi de rejoindre ma famille tout en gardant toutefois un pied à terre et un pan de mon cœur en Haïti.
Recevoir le prix de la Nuit des Mérites a été pour moi une vraie reconnaissance de mes nuits sans sommeil, de ce que fut ma douleur au moment de quitter Haïti et aussi un grand encouragement pour moi qui me suis lancée dans l’écriture à un âge fort avancé quand même. En tout cas j’espère que d’autres mamies suivront mon exemple.
Haïti… vous portez Haïti dans vos entrailles. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Haïti représente pour moi la rencontre de moi à moi, la révélation de moi à moi-même.
Vous souvenez-vous du premier roman que vous avez lu ? Qu’est-ce qui vous a marqué ?
Le premier roman que j’ai lu était « L’enfant noir » de Camara Laye suivi de « Batouala » de René Maran. Le premier avait allumé en moi le désir de l’écriture, c’était un appel à la littérature. C’était tellement fort que lorsque je suis allée en mission de travail en Guinée, j’ai tenu absolument que Kouroussa figure dans la liste des sites que je devais visiter. Je voulais voir de mes yeux la maison familiale de « L’enfant noir », découvrir la forge du père. J’ai pu voir la maison, y entrer même, mais la forge n’était plus là. Dans le deuxième roman ce qui m’avait marqué c’était la description de la mort de Batouala que j’assimilerais plus tard à la mort de mon grand-père.
Dix livres cultes de votre bibliothèque…
En vérité difficile à citer compte tenu de la grandeur de ma bibliothèque! Mais comme ça au pif je peux citer:
Votre proverbe préféré… et pourquoi ?
« La rivière zigzague parce qu’elle n’a eu personne pour la redresser. » C’est un proverbe bantou qu’utilisaient souvent ma grand-mère et ma mère lorsqu’elles avaient un conseil à me donner.
Le rendez-vous de Mombin crochu est-il un roman sur le féminisme ? Sur l’initiation ?
Le rendez-vous de Mombin-Crochu est d’abord un roman sur les violences que subissent les femmes. Ensuite, oui il y a un aspect initiatique très important, car notre vie, toute vie est une succession d’initiations. Il est aussi un roman féministe en ce sens que non seulement il dénonce les violences subies par les femmes mais aussi dans la troisième partie, la séquence d’initiation est en somme un processus de ce que les anglophones nomment « Empowerment », à la fois autonomisation et dynamisation des femmes.
Si on dit “Liberté”, à quoi cela vous fait-il penser, chère Alfoncine ?
La liberté pour moi, c’est de vivre pleinement sa vie aux plans physique, spirituel et mental, sans entraves, sans enfermements quels qu’ils soient.
Êtes-vous féministe ? Comment définirez-vous le féminisme à partir de votre expérience personnelle ?
Si je suis féministe? Je suis comme le Tigre de Wole Soyinka qui ne crie pas sa tigritude. Mon féminisme est dans le sang : je l’ai reçu de mes grands-mères et de ma mère. Je le vis au quotidien sans faire de discours. S’il me faut définir le féminisme, je dirais que c’est une manière d’être et de vivre avec la conscience que l’on a de l’équilibre entre le masculin et le féminin, les hommes et les femmes et les efforts, les actes entrepris chaque jour pour maintenir cet équilibre.
Je me trompe peut-être… mais la question de l’origine ou de la racine est abordée dans vos deux livres… avec subtilité, mais elle est présente... très présente. Un peu comme l’histoire qui est là et qui s’impose…
Sans racine, aucun arbre, aucune plante, aucune herbe ne pousserait ni ne tiendrait debout. Nous sommes tous portés par nos racines, que nous en soyons conscients ou non, que nous le voulons ou non!
Si vous étiez Dieu…
Non, je ne peux même pas l’envisager un seul instant! Déjà que je ne suis pas digne de délacer les sandales de Son Envoyé, ni de L’approcher de près, comment pourrais-je m’imaginer être à Sa place… Non c’est impensable, inimaginable…
Levinas écrit : “Dès que le visage de l'autre apparaît, il m'oblige “. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
L’altérité. Je pense d’emblée à la relation « Je - Tu » de Martin Buber. Autrui en face de moi, se pose en être humain et m’invite à le reconnaître comme tel, en même temps que je me pose à lui, l’invitant à me reconnaître dans mon humanité. Sur ce visage qui m’apparaît (comme apparaissent la lune, le soleil ou les étoiles), il y a des yeux qui me regardent et que je regarde, une bouche qui me parle, me sourit ou peut faire la moue, crier ou hurler. L’autre est mon miroir autant que je suis son miroir. La phrase en elle-même peut faire l’objet d’une dissertation philosophique!
J’aime beaucoup la Sœur Emmanuelle… Vous me faites souvent penser à elle. Elle a cru en l’homme et a compris que l’être humain est le chemin de la religion… Elle écrit que « la valeur ne dépend pas de la religion, mais de l’amour qui nous fait considérer l’autre comme un frère ou une sœur ». Vous êtes très dynamique… Merci à vous d’être ce que vous êtes…
Quelque part, la deuxième partie de la phrase de Sœur Emmanuelle rejoint celle de Levinas citée ci-dessus. Les deux phrases nous invitent à l’altérité, à la mise en avant de notre humanitude commune. Merci à vous de me reconnaître et de m’accepter telle que je suis : humaine, avec mes qualités et mes défauts, mes hauts et mes bas.
Quel est votre rêve ?
Vivre le plus longtemps possible tout en gardant la vivacité de mon esprit et continuer à transmettre par le moyen de l’écriture.
Un mot à toutes celles et tous ceux qui nous liront...
S’accepter tel (le) qu’on est ; s’aimer ; savoir se pardonner ; avoir un rêve et le suivre jusqu’au bout.
Entrevue réalisée par Nathasha Pemba
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